Depuis juillet de l'an passé, j'ai négligé mon blog. A la demande d'un ami, j'ai travaillé à la conception et la réalisation d'éléments de décors pour une adaptation d'une comédie d'Aristophane (Ploutos l'argent dieu, mise en scène par Philippe Lanton) puis retrouvant la solitude de mon atelier, j'eu quelques difficultés à renouer avec mon activité principale. Voici pour ce long silence.
Digressions de nuits de veille:
Une pandémie? Nous avons du mal à comprendre qu'un virus (de ces coronavirus qui parait-il sont légions) soit à l'origine de tant d'émoi quand il ne semble pas plus dommageable que ces mauvaises grippes auxquelles nous sommes systématiquement confrontés. L'annonce fait suite à tant d'autres non moins catastrophistes, incendies dévastateurs australiens, déroutes et tempêtes et le bel aplomb néolibéral tremble sur ses bases. Je suis en âge de mettre quelques discours triomphalistes de nos dirigeants en perspective, la mémoire ne me fait pas défaut. Je me souviens de ces hérauts du capitalisme triomphant renvoyant les opinions publiques réticentes à leur prétendu archaïsme, claironnant la "fin de l'histoire" comme si leur modèle de société était l'aboutissement d'une longue évolution et d'une essence si profondément humaine qu'il ne souffrait pas d'alternative. Ils ont invoqué pour preuve l'échec cuisant d'une expérience collectiviste qui ne fut jamais que le travestissement indigne du plus sinistre totalitarisme, oubliant hypocritement que ces régimes soi-disant alternatifs respectaient scrupuleusement le modèle productiviste. Je me souviens du "village global" théorisé par des individus qui ne connaissaient du monde que les hôtels classieux et les aéroports internationaux, de la suffisance des politiques acquis au néolibéralisme, jusqu'à nos fougueux dirigeants actuels, quand confrontés aux réticences de leurs concitoyens, ils prenaient acte de ce que ces imbéciles ne comprenaient décidemment rien et clamaient chastement qu'ils allaient faire preuve de "pédagogie". Et voilà qu'après que ces "imbéciles" ont occupés les ronds-points, que toutes professions confondues ils ont mené les grèves les plus longues de notre siècle naissant, voilà que dame nature s'ébroue, fout tout pat terre pour nous renvoyer, péteux, à notre pauvre condition de mortel. Merci pour la leçon magistrale, au mieux elle nous forcera à interroger nos aprioris, au pire elle redonne vitalité aux démons qu'un vingtième siècle ensanglanté de ses génocides prétendit finalement vouer aux oubliettes. Faites excuse, mais pour les années à venir, je crains le pire, la résurgence de conservatismes stupides, fondamentalismes de tout poil, morales dogmatiques et aspirations totalitaires n'augure pas d'un monde meilleur. Ce vingt unième siècle sera-t-il définitivement celui de l'obscurantisme?
Si je mobilise mes pauvres capacités de penseur dilettante pour un exercice de synthèse, voici ce que dans les limites de mon entendement, j'arrive à concevoir. Nous sommes confrontés à deux blocs conservateurs, celui inspiré d'une extrême droite d'un autre siècle, postulant un ordre "naturel" supérieur et transcendant au nom duquel seraient à coup sûr mises à mal nos libertés si chèrement acquises, et cet autre bloc dont la libéralité consiste surtout à consolider la domination des puissances financières, vouant aux gémonies le rêve égalitaire né du traumatisme de deux bains de sang successifs. Ce deuxième bloc exerce un pouvoir sans partage depuis quarante ans (qu'il prétende être de droite ou de gauche) dont nous subissons les effets dévastateurs. Face à ça? La gauche anticapitaliste s'est disqualifiée dés les années soixante dix en soutenant mordicus, dans un magistral déni de réalité, ces caricatures de régimes d'inspiration marxiste précédemment cités; les socialistes depuis Mitterrand se sont ralliés au libéralisme économique et les écologistes pataugent dans leurs contradictions, incapables de se déterminer sur un modèle de société alternatif, inspirant des théories collapsologues dignes des millénaristes. Triste tableau en vérité. A cet endroit, la pensée défaille.
C'était un temps déraisonnable
On avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable
Tout changeait de pôle et d'épaule
La pièce était-elle ou non drôle
Si j'y tenais mal mon rôle
C'était de n'y comprendre rien
Mais y a-t-il seulement quelque chose à comprendre sinon l'insondable bêtise de notre humanité?